SERMON pour le troisième dimanche après l'Épiphanie
Romains 12/16-21 ; Jean 2/1-11
CANA
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Dans son Épître aux Romains, Paul nous invite à surmonter le mal par le bien. C'est ce que Christ a fait à Cana, en substituant le manque et la médiocrité du vin des hommes par l'abondance et la profusion du produit de la vigne céleste.
(Jean 2/1-2) : « Or trois jours après on faisait des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus était là. Et Jésus fut aussi convié aux noces, avec ses Disciples ». Trois jours après le baptême de Christ par Jean-Baptiste, c'est un délai court pour une invitation à un mariage. Il n'en faut pas plus à Jésus-Christ pour passer de la mort à la vie. La première personne citée par Jean dans ce passage de son Évangile est Marie, la mère de Jésus. Elle précède son fils par la naissance humaine, et Jésus lui est encore soumis. Mais à Cana de Galilée, Christ prend Son indépendance. Il n'est pas convié seul, mais avec Ses disciples, dont Jean, l'auteur du 4ème Évangile. Christ y vient donc en corps constitué, celui de Son Église en formation - Il formera Ses disciples durant 3 années, à Son école. Il les enseignera par Ses discours et par Son exemple. C'est à Son Église qu'Il Se révèle en premier, à charge pour Son Église de répandre l'Enseignement reçu, et pas autre chose. Jusqu'ici, tout se passait bien. Mais nos œuvres humaines sont vouées à l'échec, et bientôt, c'est le désastre.
« Et le vin étant venu à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont point de vin ». Pouvez-vous imaginer ce que serait une noce au pain sec et à l'eau ? Il y a de quoi hurler, (Joël 1/5) : « … réveillez-vous, et pleurez ; et vous tous buveurs de vin hurlez à cause du vin nouveau, parce qu'il est retranché à votre bouche ». Ce serait insulter les mariés, leurs familles et leurs invités. Les pauvres, faute de moyens, ne se marient pas, ou se marient sans cérémonie ce qui revient au même devant Dieu ; mais les plus avisés se débrouillent pour célébrer publiquement leur union. Ceux qui se mettent en couple sans cérémonie sont mal avisés, riches ou pauvres. Le but n'est pas d'épater la galerie en régalant la compagnie, mais de publier un engagement solennel et définitif à la fidélité. Ainsi se constitue un foyer, propre à accueillir des enfants. Même Jésus, pourtant né dans une étable, est venu au monde dans un foyer fondé sur l'engagement des époux. (Luc 1/26-27) : « l'Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth ; vers une Vierge fiancée à un homme nommé Joseph, qui était de la maison de David ; et le nom de la Vierge était Marie ». Joseph, en hébreu, signifie ajouter ; c'est lui qui ajoute l'éducation à Jésus, en l'élevant comme son propre fils. Marie, dont la racine est la même que Mara ou Méra, signifie « exalté » ou « amer ». Et en effet, Jésus ressuscité sera exalté, après l'amertume de la mort sur la croix, amertume partagée par Sa mère, Marie. À Cana, Marie s'exalte en faisant irruption dans la salle à manger des hommes, pour signaler un problème : le vin manque. Dans une noce juive, on peut manquer de tout, même de nourriture, mais pas de vin ! Le vin « réjouit le cœur de l'homme » (Psaume 104/15) ; (Proverbes 31/6) : « Donnez … du vin à celui qui est dans l'amertume de cœur ». Mes amis, il faut donner du vin à Marie et à Méra ! Dans une noce, tous doivent se réjouir, les mariées, leurs familles leurs invités ; la tristesse et l'amertume ne sont pas de mise. Le vin est donc un élément essentiel de la fête.
« Mais Jésus lui répondit : Qu'y a-t-il entre moi et toi, femme ? Mon heure n'est point encore venue ». Jésus s'oppose à sa Mère, laquelle pense intercéder pour les mariés. Car en fait de miracles Christ ne reçoit d'ordre que de Son divin Père - pas de sa mère, Marie. Que vient faire Marie, à s'immiscer dans les affaires de la Trinité ? Sa prétention à dire à Dieu ce qu'Il doit faire est un pur blasphème. Elle se pose comme supérieure à Dieu, mère de Dieu, ce qu'elle n'est pas : Elle est seulement la mère de l'enfant Jésus. Or cet enfant a grandi, et Il lui échappe maintenant. Jésus lui a déjà provisoirement échappé à 12 ans, dans le Temple de Jérusalem (Luc 2/49) : « … Pourquoi me cherchiez-vous ? ne saviez-vous pas qu'il me faut être [occupé] aux affaires de mon Père ? ». Mais Marie insiste…
« Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu'il vous dira ». « Faites tout ce qu'il vous dira » est le seul conseil que Marie puisse nous donner, à nous qui sommes les Serviteurs de Son Fils. Christ a repris sa mère en la remettant à sa juste place. Elle a compris la leçon et elle Lui obéit en recommandant aux serviteurs de Christ d'en faire autant. Marie est ici un modèle d'humilité pour tous les Chrétiens. Mais rien de plus. Et Christ nous dit dans l'Épître aux Romains de nous aimer les uns les autres, de pardonner les uns aux autres et de rester simples et humbles (Romains 12/9-16) : « Que la charité [soit] sincère. Ayez en horreur le mal, vous tenant collés au bien. Étant portés par la charité fraternelle à vous aimer mutuellement ; vous prévenant l'un l'autre par honneur. N'étant point paresseux à vous employer pour autrui ; étant fervents d'esprit ; servant le Seigneur. Soyez joyeux dans l'espérance ; patients dans la tribulation ; persévérants dans l'oraison. Communiquant aux nécessités des Saints ; exerçant l'hospitalité. Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez-les, et ne les maudissez point. Soyez en joie avec ceux qui sont en joie ; et pleurez avec ceux qui pleurent. Ayant un même sentiment les uns envers les autres, n'affectant point des choses hautes, mais vous accommodant aux choses basses. Ne soyez point sages à votre propre jugement ».
« Or il y avait là six vaisseaux de pierre, mis selon l'usage de la purification des Juifs, dont chacun tenait deux ou trois mesures ». Il ne s'agit point ici de la barque de Pierre, mais de vulgaires bassines en pierre, ce que nous appellerions aujourd'hui des pierres à évier, comme il y en avait dans toutes les fermes, ou des lavabos. Ces bassins de pierre contenaient chacun une centaine de litres ! « six vaisseaux de pierre », cela fait 600 litres ! Et 600 litres, cela fait 800 de nos bouteilles… Autant dire qu'il y avait plusieurs bouteilles par personne (Cana était une petite ville), c'était plus qu'assez, plus qu'il n'en fallait pour réjouir la compagnie. Et ces bassins de pierre servaient à la purification et aux ablutions des Juifs. Il n'est pas étonnant pour nous que Christ fasse le rapprochement entre ces lavabos de pierre et le vin de Son précieux Sang, répandu pour notre purification (1 Jean 1/7) : « le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché » « une fois pour toutes » (Hébreux 10/2), car notre purification par le Sang de Jésus est parfaite ; il n'y a rien d'efficace que nous puissions y ajouter.
« Et Jésus leur dit : Emplissez d'eau ces vaisseaux. Et ils les emplirent jusques au haut. Puis il leur dit : Versez-en maintenant, et portez-en au maître d'hôtel. Et ils lui en portèrent ». Notez que les serviteurs font tout ce que Christ leur demande, sans tarder ni tergiverser. Ils Lui obéissent aveuglément, en confiance ; ils agissent par la foi en la puissance de Dieu, sans poser de question, car il est douteux qu'ils auraient compris ce que Christ allait faire de toute cette eau, même s'Il le leur avait expliqué, car Il accomplissait à Cana une œuvre unique, sans précédent. L'eau jaillie du rocher en Exode préfigure le sang jaillissant du Roc qu'est Christ (Genèse 17/6) : « Voici, je vais me tenir là devant toi sur le rocher en Horeb, et tu frapperas le rocher, et il en sortira des eaux, et le peuple boira. Moïse donc fit ainsi, les Anciens d'Israël le voyant ». La pierre des bassins fait également penser au rocher de Massa et Mériba, comme à la pierre d'angle rejetée par les bâtisseurs, Jésus-Christ (Actes 4/11) : « C'est cette Pierre, rejetée par vous qui bâtissez, qui a été faite la pierre angulaire ». Et Cana signifie roseaux ; Or, le roseau est le sceptre manifestant la royauté de Christ (Matthieu 27/29) : « Et ayant fait une couronne d'épines entrelacées, ils la mirent sur sa tête, avec un roseau dans sa main droite ; puis s'agenouillant devant lui, ils se moquaient de lui, en disant : Nous te saluons, Roi des Juifs ! ». Naturellement, les soldats romains se moquaient de Christ, tout comme les matérialistes d'aujourd'hui se moquent des croyants, fidèles à ce même Christ. Et c'est encore ce roseau qui a servi pour faire boire Jésus sur la croix (Matthieu 27/48) : « Et aussitôt un d'entre eux courut, et prit une éponge, et l'ayant remplie de vinaigre, la mit au bout d'un roseau, et lui en donna à boire ». L'événement de Cana préfigure en détail la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ ! Vous comprenez maintenant pourquoi Jésus, entrevoyant Son avenir, rembarrait Sa mère en lui rétorquant « Mon heure n'est point encore venue » ? « Son heure n'était pas encore venue » (Jean 7/30), mais Il l'entrevoyait déjà, cette heure fatale, l'heure des ténèbres.
« Quand le maître d'hôtel eut goûté l'eau qui avait été changée en vin, (or il ne savait pas d'où cela venait, mais les serviteurs qui avaient puisé l'eau, le savaient bien,) il s'adressa à l'époux. Et lui dit : Tout homme sert le bon vin le premier, et puis le moindre après qu'on a bu plus largement ; [mais] toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant ». La déclaration du maître d'hôtel dépasse complètement son auteur. Théologiquement, elle est développée par Paul dans l'Épître aux Hébreux (Hébreux 9/22-28) : « Presque toutes choses selon la Loi sont purifiées par le sang ; et sans effusion de sang il ne se fait point de rémission. Il a donc fallu que les choses qui représentaient celles qui sont aux cieux, fussent purifiées par de telles choses, mais que les célestes le [soient] par des sacrifices plus excellents que ceux-là. Car Christ n'est point entré dans les lieux Saints faits de main, qui étaient des figures correspondantes aux vrais, mais il [est entré] au Ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu. Non qu'il s'offre plusieurs fois lui-même, ainsi que le souverain Sacrificateur entre dans les lieux Saints chaque année avec un autre sang ; (autrement il aurait fallu qu'il eût souffert plusieurs fois depuis la fondation du monde) mais maintenant en la consommation des siècles, il a paru une seule fois pour l'abolition du péché, par le sacrifice de soi-même. Et comme il est ordonné aux hommes de mourir une seule fois, et qu'après cela [suit] le jugement. De même aussi Christ ayant été offert une seule fois pour ôter les péchés de plusieurs, apparaîtra une seconde fois sans péché à ceux qui l'attendent, à salut ». Le vin meilleur que Christ offre à Cana préfigure la meilleure alliance en Son sang, versé à la croix. Et Son précieux Sang nous lave définitivement de tous nos péchés, si nous croyons et si nous obéissons à notre Seigneur, comme les serviteurs des mariés de Cana l'ont fait.
« Jésus fit ce premier miracle à Cana de Galilée, et il manifesta sa gloire, et ses Disciples crurent en lui ». Ah, la bonne heur ! Mes amis, remplissons nos cœurs de ce Sang divin qui nous purifie et nous lave, nous qui sommes fidèles à Sa Parole. Nous sommes ainsi assurés que nous sommes pardonnés, justifiés et glorifiés par notre union de foi en Christ, notre Seigneur et seul Sauveur. Amen.
Tr. Révd Yves Méra, évêque AOC France.