SERMON pour le jour de l'Épiphanie
Éphésiens 3/1-12 ; Matthieu 2/1-12
LES TROIS MAGES
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Après les Bergers de Bethléem, ce sont les trois Mages qui honorent Notre Seigneur Jésus de leur présence et de leurs présents. Le recensement de la population est terminé, et la sainte famille a trouvé une location en ville, craignant que Marie et le nouveau-né ne soient trop faibles encore pour envisager le voyage de retour jusqu'en Galilée, par des routes montagneuses.
Qui sont ces Mages ? Mage veut dire : grand. Ce sont des personnages importants, des savants, des astronomes, probablement des prêtres du culte de Zoroastre, ou Zarathoustra, venus de la Perse. Cette religion païenne rendait un culte aux étoiles, prêchait la venue du Royaume de Justice dont le dieu suprême est le grand Roi, et se montrait critique à l'égard des sacrifices d'animaux au titre de la religion du dieu Mazda. Le Zoroastrisme enseigne la connaissance du bien et du mal ; seuls les savants choisissent le bien et ont une bonne conscience, les sots choisissent le mal et se destinent à la pire sorte d'existence. Les prêtres Zoroastriens sont issus de la caste des Mobads, exerçant une grande influence politique dans l'État Perse. Tels sont les visiteurs parvenus à Bethléem en suivant une étoile brillante apparue dans le ciel en l'an 4 précédant l'ère chrétienne, selon les écrits de l'époque, conservés sur des tablettes de bois en Corée du Sud, dans le temple de Haen-Sa. Et ces savants lisaient les écrits des prophètes de l'Ancien Testament. Ils savaient qu'un Roi des Juifs devait venir, miraculeusement né d'une Vierge et annoncé par une étoile exceptionnelle.
Ils se sont mis en route en suivant cette étoile filant en direction de l'Ouest, vers la Judée. Dès qu'ils la virent, ils sellèrent leurs montures, impatients de savoir ce que cette étoile signifiait, et où elle allait les mener. C'est ainsi qu'ils arrivèrent à Bethléem, après une escale à Jérusalem, chez le roi Hérode. Notez que les païens étudient les textes de toutes les religions y compris la Bible - et comment n'étudierions-nous pas les textes de notre Bible ? Par elle, les païens espèrent trouver la connaissance du vrai Dieu - et nous négligerions d'approfondir notre connaissance de Christ ? Quelle sorte de relation pouvons-nous espérer avoir avec notre Seigneur et Sauveur, si nous ne lisons pas les écrits de Ses témoins : l'Évangile ? St Augustin ne disait-il pas : "Ignorer la Bible, c'est ignorer le Christ ?".
Et ce n'est pas par simple curiosité gnostique que trois Mages entreprirent le voyage vers un Dieu qui leur était mal connu, mais dans un but religieux précis (Matthieu 2/1-2) : « Jésus naquit à Bethléhem en Judée, à l’époque du roi Hérode. Or, des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et dirent: "Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? En effet, nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus pour l’adorer." ». Était-ce une déclaration sincère, ou bien une allégation diplomatique destinée à se concilier les grâces du Roi Hérode et de ses sujets Juifs croyants et pratiquants ? Probablement les deux à la fois. Être savant n'empêche pas d'être prudent, bien au contraire. Cependant, les Mages provoquent sans le vouloir un mouvement de panique générale, car ils annoncent la naissance d'un autre Roi, menaçant par Son existence même la couronne d'Hérode qui déjà vacille sur son trône (Matthieu 2/3) : « Quand le roi Hérode apprit cela, il fut troublé et tout Jérusalem avec lui ».
Mais dans son trouble, Hérode vend la mèche et envoie les Mages à Bethléem, directement ! (Matthieu 2/4-8) : « Il rassembla tous les chefs des prêtres et spécialistes de la loi que comptait le peuple et leur demanda où le Messie devait naître. Ils lui dirent : "A Bethléem en Judée, car voici ce qui a été écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas la plus petite parmi les principales villes de Juda, car de toi sortira un chef qui prendra soin d’Israël, mon peuple." Alors Hérode fit appeler en secret les mages ; il s’informa soigneusement auprès d’eux du moment où l’étoile était apparue, puis il les envoya à Bethléem en disant : "Allez prendre des informations exactes sur le petit enfant. Quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille moi aussi l’adorer." ». Même pas en rêve ! Jésus-Christ n'avait pas surnommé Hérode "le renard" sans raison (Luc 13/32) : « … des pharisiens vinrent lui dire : "Va-t-en, pars d’ici, car Hérode veut te faire mourir." Il leur répondit : "Allez dire à ce renard : ‘Voici, je chasse les démons et je fais des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour j’aurai fini.'" ». Christ, le Fils unique engendré du Père, savait qu'Hérode était un renard, un menteur, et donc un fils du diable, un malfaisant, voulant toujours l'éliminer physiquement, comme il a éliminé le prophète Jean-Baptiste.
Mais notre Père du Ciel veillait sur les trois Mages et continuait de les guider par la même étoile d'Orient, de cet Orient où Dieu est vénéré sans que les hommes Le connaissent, car ils ont tout de même l'intuition d'un Dieu tout-puissant, Créateur de l'Univers, sans qui aucune vie ne serait possible sur la terre (Ésaïe 24/14b-16a) : « … de l'Orient, ils célèbrent la majesté de l’Éternel. Donnez donc gloire à l’Éternel dans les endroits où brille la lumière, au nom de l’Éternel, du Dieu d’Israël, dans les îles de la mer ! Du bout de la terre nous entendons chanter : "Gloire au Juste !" ». Si même les païens rendent gloire au Dieu de la Création, les athées sont dans l'illusion, rejetant jusqu'à l'idée de Création. Ils savent pourtant que de génération en génération, leurs ancêtres qu'ils n'ont pas connus ont nécessairement existé, sans quoi ils ne seraient pas là, car il n'y a pas de génération spontanée ; et il faut bien qu'il y ait eu un commencement à toutes ces générations, un premier homme, créé par un Dieu unique, vivant et vrai, tout-puissant, et donc capable de créer Adam et Ève, nos premiers géniteurs. En résumé, si l'homme vivant existe, c'est nécessairement par la volonté et l'efficace d'un Dieu unique, vivant et vrai : notre Père du Ciel !
Et c'est ainsi que les trois Mages trouvent la maison de la sainte Famille, à Bethléem (Matthieu 2/9-10) : « Après avoir entendu le roi, ils partirent. L’étoile qu’ils avaient vue en Orient allait devant eux jusqu’au moment où, arrivée au-dessus de l’endroit où était le petit enfant, elle s’arrêta. Quand ils aperçurent l’étoile, ils furent remplis d’une très grande joie ». Ils ne pensaient pas trouver le petit Jésus aussi facilement, au terme d'un si long et périlleux voyage ! Une fois sur place, ils ne traînent pas (Matthieu 2/11) : « Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent. Ensuite, ils ouvrirent leurs trésors et lui offrirent en cadeau de l’or, de l’encens et de la myrrhe ». Notez encore ceci : les Mages ne font pas cas de Marie ; tous leurs hommages et leur présents sont pour Jésus. Aucun des trois Mages n'arrive les mains vides, ce qui en Orient serait insultant.
Les trois Mages offrent donc à Jésus trois cadeaux : de l'or, d'abord, dont sont faites les couronnes des rois, symbole de richesse et de pouvoir ; de l'encens ensuite, symbole de la prière à Dieu qui monte vers le Ciel - Jésus est alors désigné non seulement comme le roi des Juifs, mais également comme le vrai Dieu. Enfin, les Mages offrent de la myrrhe, une plante médicinale antalgique, et ils annoncent par là les souffrances du même Jésus, une trentaine d'années plus tard, torturé puis crucifié sur le mont Golgotha pour nous arracher aux griffes du diable où le péché d'Adam et les nôtres nous ont précipités, liés, enchaînés. Et c'est par Sa résurrection le troisième jour que Christ nous a libérés, pardonnés, justifiés et glorifiés, si toutefois nous croyons en Jésus-Christ et sommes unis à lui par la foi, dans l'action de grâces.
Et notre Père ne veillait pas seulement sur les trois Mages : Il protégeait Son Fils dans Sa jeunesse, car le Plan de Dieu était qu'Il vive afin de mourir adulte sur une croix de bois. Notre Père guide donc les trois Mages sur la route du retour, afin qu'Hérode ne Le trouve pas, et ne L'élimine (Matthieu 2/12) : « Puis, avertis dans un rêve de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin ». Comment ne pas penser qu'une fois rendus en Perse, ils ont certainement continué à vénérer Jésus, le seul vrai Dieu et Roi des rois, Celui qu'ils ont vu vivant de leurs propres yeux, après l'avoir attendu, cherché et enfin trouvé ? (Luc 11/9) : « Et moi, je vous dis : Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira ». Dieu Se laisse trouver pas ceux qui Le cherchent dans l'Écriture Sainte, comme les trois mages l'ont fait, au départ.
Paul a parcouru le chemin inverse, pour aller évangéliser les païens (Éphésiens 3/1-2) : « Moi Paul, je suis le prisonnier de Jésus-Christ pour vous, les non-Juifs, si du moins vous avez appris comment je fais part de la grâce de Dieu qui m’a été confiée pour vous ». Paul cherchait Dieu dans les rites et les détails de la Loi juive et ses 613 commandements. Mais Christ n'était pas avec Saul jusqu'à ce qu'Il Se révèle à lui, sur la route de Damas, en territoire païen, justement (Éphésiens 3/3) : « C’est par révélation qu’il m’a fait connaître ce mystère tel que je l’ai déjà décrit en quelques mots ». C'est souvent sur une route, alors que nous sommes déjà en chemin, que Christ Se révèle à nous, comme Il S'est révélé aux pèlerins d'Emmaüs (Luc 24/13-15) : « Ce même jour, deux disciples se rendaient à un village appelé Emmaüs, éloigné de Jérusalem d’une douzaine de kilomètres. Ils discutaient ensemble de tout ce qui s’était passé. Pendant qu’ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s’approcha et fit route avec eux… ».
Christ S'est fait connaître à Saul et l'a renommé Paul, tout comme le même Christ a renommé Simon en l'appelant Pierre. Tous deux ont ainsi été désignés comme chefs d'équipes d'évangélisation, Pierre pour les Juifs, et Paul pour les non-Juifs. En Se révélant à Paul, Christ S'est fait connaître de lui (Éphésiens 3/5-9) : « Il n’a pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées comme il a maintenant été révélé par l’Esprit à ses saints apôtres et prophètes. Ce mystère, c’est que les non-Juifs sont cohéritiers des Juifs, qu’ils forment un corps avec eux et participent à la même promesse en Christ, par l’Évangile. J’en suis devenu le serviteur conformément au don de la grâce de Dieu, qui m’a été accordé en raison de l’efficacité de sa puissance. Moi qui suis le plus petit de tous les saints, j’ai reçu la grâce d’annoncer parmi les non-Juifs les richesses infinies de Christ et de mettre en lumière comment se réalise le mystère caché de toute éternité en Dieu, qui a tout créé ». Évangéliser, c'est servir Dieu le Fils, par Son Esprit-Saint, en accomplissant la volonté du Père.
Le lieu de la connaissance de Dieu était Bethléem pour les trois Mages, mais Jésus n'est plus à Bethléem. Il est monté au Ciel. De là-haut Il fait Sa demeure dans les cœurs des croyants fidèles à Sa Parole (Apocalypse 3/20) : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi ». Le lieu le plus convenable et le but de l'évangélisation est donc une table simplement garnie : la Table du Seigneur ! Dans quelques instants, nous passerons à cette table, mais il nous faudra d'abord nous purifier de nos péchés par la repentance, en vertu des mérites gagnés pour nous par notre Seigneur et Sauveur à la croix du Calvaire. Nous en faisons mémoire, car « conformément au plan éternel qu’il a accompli en Jésus-Christ notre Seigneur, C’est en Christ, par la foi en lui, que nous avons la liberté de nous approcher de Dieu avec confiance » (Éphésiens 3/11-12).
Vous avez certainement remarqué que j'ai sauté le verset 10 - et voici pourquoi : Je l'ai gardé pour la fin, car il est extrêmement important. En effet, il parle du rôle de l'Église de Christ. Le voici (Éphésiens 3/10) : « Ainsi, les dominations et les autorités dans les lieux célestes connaissent maintenant par le moyen de l’Église la sagesse infiniment variée de Dieu ». Paul nous indique clairement que l'Église n'est pas un but en soi, mais un MOYEN de connaître Dieu. Son rôle n'est pas de se glorifier elle-même, ni ses pasteurs, mais de glorifier Dieu seul (Soli Deo gloria). L'Église de Christ est donc enseignante par nature. Elle enseigne la Parole de Dieu - la Bible - qui contient ce que Dieu veut nous révéler de Sa Sagesse. Que de prédications dévient-elles de cet objectif pour s'égarer dans les méandres du moralisme et de la politique ! Dieu jugera.
Et cette Sagesse de Dieu est infinie, « infiniment variée » ; elle est universelle. Elle ne peut pas être contenue dans un bâtiment d'église ou temple, mais dans les cœurs des "pierres vivantes" que nous sommes (1 Pierre 2/4-5) : « Approchez-vous de Christ, la pierre vivante rejetée par les hommes mais choisie et précieuse devant Dieu, et vous-mêmes, en tant que pierres vivantes, laissez-vous édifier pour former une maison spirituelle, un groupe de prêtres saints, afin d’offrir des sacrifices spirituels que Dieu peut accepter par Jésus-Christ ». L'Église de Christ est provisoire ; elle n'est que l'antichambre du Royaume des Cieux. Lorsque la fin de ce monde viendra, l'antichambre n'aura plus d'existence, car elle n'aura plus de raison d'être : nous serons entrés dans le Royaume, et nous vivrons dans la présence de Dieu, notre Sauveur et Roi. Et comme les trois Mages, nous lui présenterons nos hommages, avec notre reconnaissance et notre amour, éternellement. Amen.
Tr. Révd Yves Méra, évêque AOC.